Un voyage de « rhéto » : KÊSAKO ? de C. Gorjan

Un voyage de « rhéto » : KÊSAKO ?


Selon le site atil.fr, le mot RHÉTORIQUE est une technique du discours, un ensemble de règles, de procédés constituant l’art de bien parler, de l’éloquence.

Autrefois, il s’agissait d’une classe de l’enseignement secondaire (correspondant à l’actuelle première) où l’on enseignait la rhétorique.[i]

Si nous passons la frontière et nous retrouvons dans l’Hexagone, je ne suis pas certaine que nos confrères français comprendraient le sens de cette expression.

En consultant le Petit Robert 2013, je lis : « Rhétoricien-ienne -usage littéraire qui signifie : personne savante en matière de rhétorique ; la rhétorique étant l’art de bien parler. Ensuite, arrive l’usage péjoratif : ce dit de quelqu’un d’argumentateur, de rhéteur.  La rubrique se termine sur le belgicisme : élève de la classe de rhétorique, familièrement : les « rhétos ».

Le Petit Robert le classe sous « usage ancien », l’emploi de rhétorique pour « classe de rhétorique », remplacé en France, dans les lycées, par « la classe de Première ».[ii]

Par contre, chez nous, dans notre belle Belgique qui n’en fait qu’à sa tête (puisque de tous les peuples de la Gaule, le Belge est le plus courageux, voire le plus farouche), l’usage ancien est resté pour nommer nos classes de terminale !

Donc, lorsqu’un jeune français termine ses secondaires, il est en Première. Lorsqu’un jeune belge termine ses secondaires, il est en « rhéto ».

Il y avait donc, voilà bien longtemps, en tout cas jusqu’au 19ième siècle en France, si j’en crois le poète Paul Valéry, dans les études secondaires, une classe de rhétoriqueurs qui s’exerçaient à l’art de bien parler afin de devenir de fins orateurs, capables d’employer toutes les figures de style propres à l’éloquence.


Je me suis donc lancée, un peu aveuglément, fin juin, dans le défi d’écrire un article de 3000 signes sur les voyages de rhéto de l’IND.

Il est vrai que je ne conçois l’enseignement et le bien transmettre ou le bien apprendre sans l’exposant explosif du « plaisir » ; et, quoi de plus plaisant que des voyages ? Qu’est-ce qui pourrait remplacer, en termes de plaisir, le fait de « clôturer » un cycle d’apprentissage, à l’école, par un voyage, tous ensemble (idéalement), vers une destination plus ou moins lointaine, plus ou moins inconnue ?

Mais, cet exposant « plaisir » ne suffit pas à définir les spécificités de nos voyages de rhéto.


Dans cet article, nous parlerons donc des particularités de ce genre de voyage, toujours propres à l’esprit de l’école qui les porte, en l’occurrence, ici, de l’esprit de l’Institut Notre Dame de Namur. Esprit qui ne pourrait exister sans ses directions (Madame S. Satin et Monsieur E. Haudez) et sans son équipe de professeurs (je ne peux m’empêcher d’un peu la fleurir : équipe de professeurs, tout en nuance, en complémentarité, en questionnement, en respect des valeurs portées par l’IND-voir article suivant ;-), en amour de son travail et en conscience de ses responsabilités).

« Les voyages forment la jeunesse » : cette citation un peu passe-partout (et attribuée, apparemment à tort à Michel Eyquem de Montaigne) a le mérite de nous faire cogiter sur ce que l’école désire comme voyage scolaire de fin d’étude pour ses rhétoriciens !

Sur le site de la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous avons accès à la circulaire 6289 relative à l’organisation des séjours pédagogiques avec nuitée(s) en Belgique et à l’étranger. Cet article nous apprend que les établissements scolaires peuvent organiser des séjours pédagogiques avec nuitée(s) pendant l’année scolaire et que ces derniers peuvent empiéter sur les congés scolaires, qu’ils ne peuvent être organisés sans l’autorisation de l’Administration.

Nous trouvons la définition de ces séjours pédagogiques avec nuitée(s) : « ce sont des sorties scolaires qui permettent l’organisation d’activités, en lien avec les programmes d’études, en dehors des murs de l’établissement, pour une durée d’au moins deux jours de classe consécutifs (maximum 10 jours de classe et 16 jours calendrier). »

L’article rappelle les objectifs :

  • Favoriser les apprentissages ;
  • Dynamiser l’enseignement en stimulant la curiosité des jeunes ;
  • Développer la faculté de s’adapter au changement.

Le taux de participation dans l’enseignement secondaire ordinaire, varie en fonction de la taille de la classe :

  • De 1 à 10 élèves : 75% ;
  • De 11 à 19 élèves : 80 % ;
  • De 20 à 30 : 85 % ;
  • De 31 élèves et plus : 90 %.

Les normes, au point de vue de l’encadrement sont les suivantes :

  • De 1 à 25 élèves : 2 accompagnateurs;
  • De 26 à 40 élèves : 3 accompagnateurs ;
  • De 41 à 55 élèves : 4 accompagnateurs.

L’équipe devant être renforcée par tranche entamée de 15 élèves supplémentaires soit par un(e) enseignant(e), soit par un accompagnateur (voir liste sur la page).[iii]


Je cherche encore : quelque chose de plus précis ? Concernant les voyages de rhéto. Des précisions « officielles », vraiment spécifiques ? Mais je ne trouve rien.

Poursuivant mes recherches, je tombe alors sur des documents publiés par l’UFAPEC (Union francophone des Associations de parents de l’enseignement catholique).

Dans l’article rédigé par Dominique Houssonloge, je trouve des informations éclairantes : « Les voyages organisés durant les vacances (comme les voyages de rhéto, ou voyages de terminale) relèvent d’une organisation privée. Ces voyages sont organisés via l’école et pour les élèves de l’école. Ceci explique qu’il y a généralement confusion quant à l’appellation. Toutefois, ces voyages ne sont pas soumis à la réglementation de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ne nécessitent pas une autorisation de l’administration. On les appelle alors voyages « parascolaires. »

 Dans cet article nous trouvons encore un paragraphe concernant le règlement :

« Le règlement du voyage peut prévoir l’exclusion de l’école même temporaire.

Globalement, les voyages se passent bien et il y a peu d’actions en justice.

Pour l’alcool, il faut préciser très clairement dans le règlement du voyage ce qui est autorisé et interdit : pas d’alcool dans les chambres. Le problème c’est que la fouille des sacs des élèves est interdite. L’arrêt Antigone prévoit que s’il y a assez d’éléments pour penser que l’élève a en sa possession quelque chose de dangereux ou nuisible (exemple, une arme), on peut intervenir.

Il y a tout un travail d’information et de sensibilisation.

Ce qui n’est pas acceptable c’est que des parents refusent la sanction donnée à leur enfant. On attend des parents qu’ils soutiennent les enseignants.

Dans le cadre d’un voyage scolaire, il faut trouver un modus vivendi. »

 

« Voyager sans rencontrer l’autre, ce n’est pas voyager, c’est se déplacer »

Alexandra David Nee

 

En tant que professeur accompagnant, je partage, ici, une préoccupation constante de l’équipe pédagogique qui prépare et encadre le groupe d’élèves :

Comment préserver un équilibre entre « voyage plaisir » et « voyage scolaire », puisque celui-ci reste un projet d’établissement ? J’ai trouvé dans la suite de l’article de D. Houssonloge, de quoi alimenter ma réflexion :

« Les voyages scolaires n’ont de sens que s’ils s’inscrivent dans le cadre du projet d’établissement. Ce n’est pas une simple parenthèse dans la vie de l’école mais bien un projet mûrement réfléchi qui va nécessiter préparation, investissement au moment même et exploitation au retour. Pour mener ce projet à bien et susciter l’enthousiasme des élèves et de leurs parents, il est primordial que les enseignants, la direction communiquent le plus rapidement possible et sensibilisent parents et enfants à l’intérêt de ces activités (réunions d’informations, organisation d’un système d’épargne, remise de documents informatifs, implication de l’Association de Parents au projet…). »[iv]

Le voyage de rhéto doit donc préserver ce juste équilibre entre détente-farniente mais ne pas perdre de vue que c’est aussi, pour beaucoup, l’occasion d’aller à la rencontre d’une autre culture (et d’une autre langue) tout spécialement pour les élèves qui n’ont jamais l’occasion de voyager.

Les voyages, c’est également l’occasion pour l’élève de développer son autonomie : pour pas mal de jeunes, ce sera la première occasion de sortir de la Belgique, d’aller à l’hôtel, ou de prendre l’avion.

Parlons maintenant de l’épineuse question du COÛT.

Ici encore, la troisième partie de l’article, écrit par D. Houssonloge, m’a été très utile pour mettre en mots des questionnements, des interrogations, revenant comme un leitmotiv entre les organisatrices…

Ainsi, cet article s’est penché sur la question :

« Les voyages parascolaires sont-ils accessibles financièrement et à quelles conditions ?

Les voyages parascolaires, comme habituellement les voyages de rhéto, sont des voyages organisés hors du temps scolaire et relevant d’une organisation privée mais en lien étroit avec l’école et l’intégration de l’élève dans la vie de l’école. Ces voyages ne sont pas soumis à la réglementation de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ne nécessitent pas une autorisation de l’administration.

Cela explique (les éventuelles) dérives et surenchères qui existent dans certaines écoles.

Citons entre autres exemples un voyage au Sénégal, formule « plage » à 1300 €, un voyage en 4X4 dans le désert à 1200 €, etc.… Chaque année, des parents, des associations de parents, des enseignants dénoncent ces pratiques. Parfois cela suffit à remettre en question le projet. .

Dans notre école, les rhéto voulaient partir en croisière en Egypte. Le prix du voyage revenait à 1500 € et il n’y avait même pas de visites culturelles prévues. Avec l’association de parents, nous nous sommes opposés au projet et avons interpellé l’école. Non seulement ce voyage était très cher pour certaines familles mais en plus, l’AP considérait que c’étaient des envies démesurées pour un voyage de rhéto. Un autre voyage plus accessible a été organisé.

Une présidente d’association de parents

De nombreux parents considèrent  que ces voyages sont trop coûteux pour le budget de familial, pour le programme proposé et/ou tout simplement pour un voyage de fin d’humanités : « A 18 ans, on ne fait pas un voyage de ce prix-là ».

Objectifs d’un voyage parascolaire

Ceci nous amène à nous interroger sur l’objectif d’un voyage parascolaire. Dans la mesure où les voyages parascolaires sont en lien étroit avec l’école et l’intégration de l’élève dans l’école ou dans sa classe, l’objectif d’un voyage parascolaire n’est-il pas, à l’exemple des voyages scolaires obligatoires, d’offrir à un maximum d’élèves une opportunité aux niveaux social, culturel, éducatif et pédagogique ?

L’essentiel est-il de partager une expérience enrichissante et forte pour le groupe et donc pour un maximum d’élèves ou de suivre les effets de mode et de s’offrir un voyage hors du commun ? L’essentiel d’un voyage parascolaire est-il le bien-être individuel de l’élève ou le bien-être collectif du groupe ?

Il semble que la réponse aille de soi. Il ne s’agit pas ici de l’organisation d’un voyage par une bande de copains, chapeauté d’adultes. Il s’agit bien d’un voyage organisé au sein de l’école pour tous les élèves d’une classe ou d’un degré.

 

Dès lors une école dont l‘objectif est, rappelons-le, de « préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures » ne peut cautionner de telles pratiques en son sein. Il en va de la responsabilité de tous les acteurs de l’école : non seulement de l’enseignant organisateur mais aussi du Pouvoir organisateur, de la direction, de l’équipe éducative et de l’ensemble des parents. Le Conseil de Participation est un lieu tout indiqué pour traiter de cette problématique. Plus encore, le projet d’établissement de l’école auquel les parents vont adhérer lors de l’inscription de leur enfant doit se positionner clairement sur le sujet.

Pistes et conclusion

En conclusion, dans leur grande majorité, les voyages scolaires sont trop chers pour les familles.

De nombreuses écoles les rendent accessibles grâce à une prise en charge d’une partie des frais par l’école ou l’association de parents et grâce à une série de bonnes pratiques comme un système de mutualisation, une épargne, une caisse de solidarité, etc. Pour les écoles à encadrement différencié, des subsides supplémentaires voire une aide directe du CPAS permettent aux élèves de partir.

Des risques de dérives et de surenchère sont toujours possibles et à cette fin, l’UFAPEC rejoint et soutient la Ministre de l’enseignement dans son exigence d’un maximum de transparence, de facturation et d’échelonnement des frais réclamé aux familles. Nous prônons encore un système de mutualisation des voyages.

Dans ce sens, le décret réglementant les frais scolaires est plus que nécessaire et attendu avec impatience par les familles ! (…)

L’UFAPEC en appelle à la responsabilité des écoles et de tous ses acteurs pour mettre fin à de tels abus qui relèvent d’une approche consumériste et contre-éducative.

Pas besoin de sensationnel mais de sens…

Les voyages parascolaires doivent être accessibles à un maximum à prix démocratique, l’objectif étant de partager une expérience enrichissante et forte pour le groupe.

En d’autres termes, pour reprendre les propos de Marie-Dominique Simonet, que nous étendons aux voyages parascolaires, « tout doit être mis en place dans l’enseignement obligatoire pour que les voyages soient vecteurs d’intégration et de solidarité et non pas d’exclusion et d’individualisme. » [v]

En avril 2019, j’entamerai mon troisième voyage de rhéto, en tant que professeure accompagnatrice et membre de l’équipe organisatrice, avec notre directrice Sylvie Satin, Marie-Claire Gany (professeur de français), Bénédicte Keyen (professeur d’éducation physique), Christine Gaussin (professeur de sciences paramédicales et conseillères en prévention) et Barbara Desait (professeur d’éducation physique).

Il y a donc eu la Sardaigne (2016-2017), Madère (2017-2018) et pour 2018-2019, se profile la Croatie, peut-être en car, afin d’en réduire le coût. Ce fût, pour ma part, de très enrichissantes expériences professionnelles, humaines et culturelles. Ces destinations alliaient, en effet, la découverte de très belles régions, admirablement mises en valeur par les guides qui nous accompagnaient et nous encadraient tout au long de notre périple, et la farniente-détente-plaisir, à ne pas perdre de vue durant ces voyages !

De toute façon, comptons sur nos élèves pour nous le rappeler, au cas où !

Il reste, bien sûr, pas mal de questions, d’hypothèses, de suggestions, que je renvoie modestement vers mes collègues car, chercher ensemble est notre quotidien afin de construire un environnement propice à l’apprentissage sous toutes ses formes, et donc, sous toutes les latitudes !

Cathy Gorjan, professeur de français en 5, 6 et 7ième professionnelles-puériculture, IND Namur,

Le lundi 6 août 2021.


[i] http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2857758735

[ii] Petit Robert 2013 (2012), Paris, Le Robert, ISBN 978-2-32100-042-6, dépôt légal mai 2012, XLII + 2838 p

[iii] Circulaire 6289 (03-08-2017), Circulaire relative à l’organisation des séjours pédagogiques avec nuitée(s) en Belgique et à l’étranger. Cette circulaire remplace les circulaires relatives à l’organisation des activités extérieures et des classes de dépaysement à http://www.enseignement.be/index.php?page=26823&do_id=6531

[iv]Houssonloge D. (10/12), Les voyages scolaires : opportunité ou discrimination ? Partie 2 – Avantages et inconvénients à http://www.ufapec.be/files/files/analyses/2012/2712-voyages-2-avantages.pdf

[v] Houssonloge D. (10/12), Les voyages scolaires : opportunité ou discrimination ? Partie 3 : Trop chers les voyages scolaires ? à http://www.ufapec.be/files/files/analyses/2013/0213-voyages-scolaires-3.pdf

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